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La lutte contre la corruption au Cameroun en 2019 : quel bilan?

La lutte contre la corruption au Cameroun en 2019 : quel bilan?  

En 2006, le Cameroun mettait en place la CONAC (Commission nationale Anti-corruption) avec l’arrivée d’un numéro dédié, le 1517. Dzaleu.com en parlait déjà il y a deux ans, à l’occasion de la mise en service du 1517. Victime ou témoin d’un acte de corruption au Cameroun, depuis fin avril 2018, ce numéro vert 1517 permet de remonter ces faits auprès des autorités.  

On vous exige un dessous de table pour un dossier, un agent vous verbalise abusivement, un professionnel d’une profession réglementé outrepasse son champ pour vous abuser financièrement ? Accessible de 7 à 18 heures, le 1517 est de plus en plus utilisés par les usagers camerounais confrontés à la corruption de leurs services publics. A la clé, des gains substantiels pour le Cameroun. En 2019, ils s’élevaient à plus d’un milliard de Francs CFA.  

La CONAC a enregistré 11.930 cas de dénonciation de corruption en 2019

C’est moitié moins que les 23.048 dénonciations de 2018, mais nettement plus que les 482 dénonciations de 2010. C’est une preuve patente que la CONAC a su mener un grand travail de sensibilisation auprès du public. En effet, sans dénonciation, difficile de s’emparer des cas de corruption pour y trouver solution.  

C’est ce qui ressort des propos du Révérend Dieudonné Massi Gams, président de la Commission anti-corruption. De même, l’organisme a permis au Cameroun d’économiser à ce jour 1.652 milliards de FCFA. C’est ce qui ressort de l’entretien accordé par le président de la Conac au quotidien national Cameroon Tribune du 17/12/2020. C’était à l’occasion de la publication du 10ème rapport de la CONAC. Par M.Z.  

Cameroon Tribune – Monsieur le président, quel retour avez-vous de l’impact des actions menées par la Commission nationale Anti-corruption depuis sa création ?  

A en juger par les témoignages qui nous parviennent de l’opinion nationale, la CONAC est l’une des institutions dont les Camerounais sont très fiers aujourd’hui. Cette fierté découle de l’impact positif de cet organisme national de lutte contre la corruption que le chef de l’Etat a eu la clairvoyance de mettre en place par décret N° 2006/088 du 11 mars 2006. Les actions de la CONAC ont conduit à une prise de conscience des citoyens des ravages dus à la corruption. On note une résistance de la plupart des camerounais à la corruption. Cela s’explique par les activités de sensibilisation de la CONAC. Le nombre de structures publiques, parapubliques et même privées à mettre sur pied des cellules de lutte contre la corruption va croissant au fil des ans, de même que le nombre de dénonciations d’actes de corruption.  

Le nombre de dénonciations a explosé avec l’avènement du numéro d’utilité publique de la CONAC, le 1517. Il est de 11 930 au titre de l’année 2019. Ces dénonciations, les actions d’auto saisine de la CONAC et l’engagement des Camerounais, suite à la sensibilisation de la CONAC, ont montré que la corruption n’est pas une fatalité. Cela a abouti aux emprisonnements, aux reprises des travaux mal exécutés et aux réparations de tout genre. Pour l’Etat, les gains financiers cumulés, de 2011 à 2017, sont de plus de 1 652 milliards de FCFA. Il faut reconnaître que le cadre d’une interview est assez réduit pour rentrer dans les détails de cet impact. Ce qui demeure constant, c’est que la masse critique d’acteurs positifs prêts à dire non à la corruption, recherchée par la CONAC, se réalise indéniablement.  

CT – Dans l’opinion, l’on pense tout de même que dénoncer c’est bien, mais punir les auteurs des actes de corruption serait encore mieux. Qu’en pensez-vous ?  

Les contrats de corruption qui lient les parties sont généralement conclus dans les secrets les plus profonds possibles. Pour les pénétrer, il faut conduire des investigations parfois très risquées. C’est au bout de ces investigations qu’il faut punir, le cas échéant. S’il n’y a pas de dénonciation, la lutte contre la corruption  ne peut pas être pleinement menée. Vous comprenez que pour punir, il faut parfois passer par les dénonciations. Heureusement, les Camerounais ont bien pris conscience de cela. Nous les exhortons à le faire davantage. Cependant, il faut distinguer les cas de flagrants délits de corruption qui sont régulièrement traduits en Justice et les cas qui nécessitent des investigations complexes pour mieux circonscrire le mal et ses implications. Car l’une des missions de la CONAC est de proposer des mesures de nature à prévenir ou à juguler la corruption. Cette mission ne doit pas être perdue de vue dans ses interventions.  

Nous avons coutume de rappeler que le savant dosage pour mieux lutter contre la corruption c’est 70% de prévention et 30% de répression. Cette prévention passe par la promotion de l’intégrité, l’adoption des textes qui encadrent mieux la fortune publique et la connaissance par les citoyens de leurs droits. S’agissant justement des textes, la ratification par le Cameroun le 1er avril 2020 de la Convention de l’Union africaine sur la Prévention et la Lutte contre la Corruption est un acte fort du président de la République en matière de lutte contre la corruption. Cette Convention adresse implicitement l’enrichissement illicite, la déclaration des biens et avoirs.  

CT – Pour que vos rapports annuels aient encore plus d’impact, le renforcement des pouvoirs de la CONAC ne s’impose-t-il pas ?  

L’accomplissement des missions confiées à la CONAC ne se passe pas si mal. Mais, nous pouvons faire mieux avec un renforcement des ressources financières et humaines, la décentralisation de l’institution et surtout le pouvoir d’Officier de Police judiciaire ; ce qui permettrait à la CONAC de mettre directement les suspects à la disposition de la Justice, sans recourir à la Police ou à la gendarmerie. Nous pensons, aussi, humblement que la CONAC doit être plus proche des populations pour que la peur qui habite déjà le camp des corrupteurs et corrompus s’installe définitivement.  

CT – De façon générale, quelle perception avez-vous de la lutte contre la corruption au Cameroun ?

La lutte contre corruption au Cameroun se construit progressivement. A notre avis, le gros du travail est déjà fait. La corruption a depuis longtemps cessé d’être un tabou. Les citoyens ont compris la nécessité de dénoncer cette gangrène aux ravages innombrables. Et les pouvoirs publics ont, en dix ans, de 2010 à 2020, multiplié les instruments et les institutions de lutte. (Ceci) pour mieux répondre à l’évolution du mal. Donc globalement, le Cameroun tient le bon bout. (Cameroon Tribune)