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Capitalisme et changement climatique : Une guerre géopolitique écologique ?

Capitalisme et changement climatique : Une guerre géopolitique écologique ?

Après le Covid-19, la question du climat est devenu le sujet le plus discuté au monde dans les médias mainstream. Et ici, les superlatifs ne manquent pas : dérèglement, catastrophes, urgence, nécessité de préserver l’environnement, etc. Et dans ce discours qui s’appuie et la vague du développement durable, un continent objet de toute l’attention : l’Afrique.

D’où cette question : pourquoi ce continent, le moins industrialisé et qui émet à peine 4% des gaz à effet de serre, est-il pointé du doigt ?

Cartographie du « poumon vert » de la planète : le Golfe de Guinée

L’Afrique abrite le deuxième poumon vert du monde, la forêt équatoriale au cœur du Golfe de Guinée (Afrique centrale). Intérêts économiques, sécuritaires et politiques s’y côtoient. Aussi est-il difficile de parler de climat et d’économie ici sans une brève cartographie de la région.

Le Golfe de Guinée dans sa définition la plus réduite (Golfe de Guinée intérieur) comprend le Cameroun, le Gabon, la Guinée Equatoriale, les deux Congo, le Nigéria et l’Angola. Dans sa version la plus élargie, y sont inclus des pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Benin. D’autres y ajoutent la Sierra Leone.

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Les pays du Golfe de Guinée ont des riverains tels que le Tchad, frontalier au Cameroun. Ce pays donne directement sur le Sahel via le Niger, pays limitrophe à son tour du Mali. Ce dernier donnant directement sur l’Algérie.

Le Tchad donne aussi sur le Maghreb via la Lybie. D’où l’importance géostratégique que constituait une Libye sécurisée. Et aujourd’hui, tous les experts s’accordent pour lier la densification du terrorisme au Sahel avec la chute du Guide libyen, Mouammar Kadhafi. Pendant des décennies, il avait constitué la porte de sécurité entre ces zones, cantonnant les terroristes venus du Nord du continent.

Toujours sur la cartographie, le Tchad limitrophe au Golfe de Guinée via le Cameroun et le Nigeria, donne directement sur le Soudan, tout comme la RCA. Et le Soudan donne à son tour sur la Corne de l’Afrique (Ethiopie, Somalie, Djibouti) et donc le Yémen (Moyen-Orient).

Est-ce un hasard si des forces militaires françaises sont au Tchad et en RCA, ainsi que des forces onusiennes? Et ce, depuis plusieurs années.

Hasard aussi si toute la zone, Golfe de Guinée et Sahel, connaît une insécurité chronique?

Piraterie, groupes terroristes comme Boko Haram (au Nord Cameroun et au Nigeria). Groupes rebelles comme le Mend (Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger) au Nigeria ou l’Ambazonie (Grand-Ouest du Cameroun), les causes d’insécurité sont légion.

Une région au cœur d’énormes enjeux

On le voit donc, de par sa configuration, le Golfe de Guinée est au centre de plusieurs appétits et enjeux. Et ceci sans évoquer les énormes ressources naturelles et minières de la région et de son voisin sahélien. Au Cameroun, locomotive de la CEMAC (Communauté des Etats de l’Afrique centrale), une guerre larvée se joue par exemple au Port autonome de Douala (PAD). C’est par ce port que transitent les marchandises en direction de pays voisins sans accès à la mer comme le Tchad ou la RCA.

Ces deux pays sont eux-mêmes au centre de gros intérêts géopolitiques à mettre en perspective avec l’assassinat du maréchal Idris Deby ou la situation en RCA.

Pour ce dernier pays, en guerre civile depuis près d’une soixantaine d’année, il aura fallu l’élection d’un nouveau président (Archange Touadera) et un accord avec la Russie, pour voir les rebelles mis en déroute. Pour le PAD, exploité pendant 15 ans par le groupe Bolloré, le port rapportera environ 4 milliards de Francs CFA (un peu plus de 6 millions d’euros) au Cameroun. Repris après une longue bataille juridique par les nationaux dont le directeur actuel Cyrus Ngo’o, le PAD a rapporté en deux ans d’exploitation, presque le quadruple.

Au Cameroun toujours, la cité balnéaire de Kribi au Sud du pays devrait à terme disposer de l’un des plus grands hubs portuaires d’Afrique noire. Un hub avec une porte sur les deux Congo donc sur l’Angola, donc sur l’Afrique australe. Or, qui dit Congo, dit RDC et tous les enjeux liés à l’exploitation des matières premières de cet immense pays. Qui dit Congo, met en parallèle l’insécurité chronique au Katanga, les scandales liés aux mines de Coltan.

VIDEO : Capitalisme et changement climatique : le cas africain

Et le climat dans tout ça ?

Nous y revenons. D’abord, un constat, puis des chiffres :

Qui détient les industries lourdes en Afrique ? En général, les multinationales. Qu’est-ce qui freine le pharaonique projet de « Grande muraille verte » ? Nous y reviendrons dans un autre article. Débuté en 2007, ce projet a pour ambition de doter le continent de plus de 7000 kms de barrière végétale. Un bref interrogatoire autour de soi, en Afrique ou sa diaspora, montre immédiatement que la plupart n’ont jamais entendu parler de ce projet. Par contre, ils pourront vous dire à quel point le dérèglement climatique est inquiétant.

Officiellement lorsqu’on parle du climat, c’est aussi cet aspect, les conséquences du dérèglement environnemental et donc les efforts à faire, qui sont mis en avant.

Pourtant, quand on regarde les chiffres, l’Afrique est à la marge. Exemple avec les émissions de gaz à effet de serre. La Chine représente 30 % de ces émissions, les États-Unis 14 % et l’Union européenne 8 %. L’Afrique, elle, représente à peine 4%.

Les émissions de gaz par habitant dans le monde

Au niveau individuel, les émissions par habitant sont en moyenne de 16,0 aux Etats-Unis, 12,1 en Russie, 8,1 en Chine, 6,9 dans les pays de l’Union européenne. En comparaison, la moyenne africaine (au Sud du Sahara) par habitant est de 0,8. Il faut aller en Inde pour voir le chiffre le plus approchant (1,9) ou en Amérique latine (2,6). La France (5,0) fait cinq fois plus d’émissions par habitant que toute l’Afrique noire réunie.

On le voit, le continent africain, pour ne citer que le Golfe de Guinée, a à peine entamé son industrialisation. Ce sont les multinationales qui ont toujours la mainmise sur les industries lourdes. Tout comme sur l’agroalimentaire intensif destiné à l’export. Lorsqu’on parle par exemple de « banane camerounaise », en réalité, elle est certes cultivée au Cameroun, mais pour le compte d’une multinationale. D’ailleurs, la plupart de ce qui est consommé est importé (farine, riz, blé, etc.) et avec l’arrivée des grandes surfaces françaises en Afrique francophone, le phénomène est grandissant. Du moins dans les grands centres urbains.

Dès lors, cet accent mis par les organisations internationales sur l’urgence climatique, en pointant du doigt le continent, est diversement apprécié. Peut-on demander à un continent qui est celui qui pollue le moins, de faire des efforts qui s’apparentent à dire non à sa propre industrialisation?

Arrêt sur un débat télévisé consacré au sujet le 10 septembre 2021 :

« Géo-écologie, rapport du GIEC sur le dérèglement climatique : Pourquoi l’Afrique est-elle harcelée ?« 

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Article Grand Angle – ©DZALEU.COM

Sources :

DBS Matin du 10/9/21
Données chiffrées 1
Données chiffrées 2
Site du Giec

Photos :
©Dzaleumedia
©Mémoireonline
©Thinkingafrica.org
©Wikipedia – Eric Gaba

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